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Agony
Art & Magic - 1992
Le jeu chouette par Clence_tum

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
À première vue, le joueur oldies pourrait paraître comme un raté, un inadapté de notre société postmoderne qui s’est réfugié dans les jeux vidéo de son enfance pour ne pas avoir à affronter la réalité en face, passant tout son temps libre à lutter contre un émulateur qui se refuse à lancer « Akumajo Dekkentsu Tsubasa Gaiden IV (J)(A)(X)b1.zip », et qui noie son désespoir dans un alcool trouble lors de soirées fines entre parias. Mais ce n’est pas totalement vrai. Il y a parfois de rares moments d’intense éjaculation intellectuelle qui valent largement tout le mal qu’on se donne pour bricoler des consoles jaunies et se faire arnaquer par des vendeurs eBay.



Ainsi donc, par un triste soir pluvieux de novembre (comme le sont tous les soirs mémorables d’une vie de rétrogamer. Vous vérifierez.), alors que je regardais d’un œil morne la troisième guerre mondiale à la télé, mon regard glisse sur la pile de jeux Amiga qui vient d’arriver par la Poste, et il s’arrête à la base de la dite pile. Agony. Je ne me souvenais même plus qu’il fût dans le lot, tiens. Agony, dont les screenshots et les previews trouvées au hasard des magazines crades de l’époque m’avaient fait baver pendant des mois, avant que la volatilité inhérente au jeune con que j’étais me le fasse oublier et passer à autre chose (l’onanisme, sans doute). Agony, le jeu de tous les superlatifs, celui à côté duquel n’importe quel autre est semblable à Jésus aux côtés de Chuck Norris, c’est-à-dire à peu de choses.



Et cet Agony, il est là, sur mon étagère, et je ne le savais même pas (oui, les jeux vidéos rendent cons, ça fait suffisamment longtemps qu’on vous le dit). Je vais enfin pouvoir y jouer. Imaginez un peu, c’est comme si l’espace d’un instant, pouf, vous pouviez revenir à un Noël de votre enfance où vos parents auraient acheté toute votre liste. Enfin bref, ce que je veux vous dire avec mes figures de style qui feraient se gausser un Académicien mort (pléonasme), c’est que parfois, pour des moments comme celui-ci, ça vaut le coup d’être un con qui occupe ses soirées en lustrant sa grosse collection et à enlever la poussière de ses jeux brand-new-sealed-mint-in-box-oh mon dieu une rayure sur mon FF6 la vie est une chienne n’ais-je donc tant vécu que pour cette infamie.



Agony fut publié par Psygnosis, un des grands noms du jeu vidéo de la bon époque, le seul vrai donc, qui peut se targuer d’avoir à son actif des mythes tels que Lemmings, Barbarian, Innocent Until Caught ; une des rares sociétés d’ailleurs à avoir réussi son passage en 32-bit, puisqu’on trouve également pas mal de leurs titres sur Celle Dont On Ne Doit Pas Prononcer Le Nom et même sur d’autres, mais c’est hors-programme.



Mais les parents biologiques d’Agony, ce sont les développeurs de chez Art & Magic, des petits gars qui ont une revanche à prendre sur le monde, vu qu’ils sont belges (oui, devoir se taper les films des frères Dardenne et aller à la plage à Knokke-le-Zout, c’est un coup à se faire sauter à l’ONU pour réclamer justice). Bref, ils en veulent, et ils vont le montrer.



Il faut savoir qu’Agony n’est pas un jeu qui se joue peinard, effondré dans son fauteuil, une main dans le slip et une autre sur la bière. Non. On ne rigole pas avec Agony. Par exemple, si vous sonnez chez lui la bouche en cœur et un bouquet de fleurs à la main, Agony est du genre à vous envoyer une Doc coquée dans les valseuses, à vous retourner contre la porte et à vous violer sauvagement, jusqu’à ce que vous en redemandiez. Prudence donc.



Tout commence par une musique. Non, en vrai ça commence plutôt par un temps de chargement tellement long que c’en est indécent, mais on va faire comme si, me faites pas chier. Tout commence par une musique, donc. Au piano. Oui, sur un Amiga 500, on vous sert comme intro plus de quatre minutes de piano. On est comme ça outre-quiévrain. Et pas n’importe quoi hein, une putain de ballade lancinante, triste comme les yeux d’un braque de Weimar, accompagnée d’un magnifique artwork en plein écran d’un arbre en feu sur un fond de coucher de soleil. Le genre de truc qui vous donne immédiatement envie de chialer comme une vieille merde émotive et d’aller vous réfugier au fond de votre lit, avec la tête blottie contre une paire de seins, généreuse si possible.

Voilà pourquoi dès les premiers instants, on pige qu’Agony est un jeu sérieux. Avec lui, on ne se permet pas de se moquer de son équipe de foot ou de jouer à tire sur mon doigt, ça non.



Mais déjà l’action commence. Pas d’écran-titre ni rien, non, trois lignes qui résument l’histoire et paf, on y va. Je vous ai dit qu’on ne plaisantait pas. On joue le rôle d’Alestes, clampin transformé en chouette pour aller sauver le monde des doigts griffus de Mentor, le déclic fraicheur. Oui, une chouette ça fait un peu con, mais c’est le logo de Psygnosis alors on la ferme. Le jeu se présente sous la forme d’un shoot ‘em up horizontal des plus classiques. On descend les ennemis un par un, on ramasse les fioles qui permettent d’augmenter la puissance de feu, les parchemins pour lancer des sorts type invincibilité ou bouclier, on récupère des épées qui servent de protection latérale… À la fin de chaque niveau, un boss. Cinq niveaux en tout, et voilà, c’est plié.

Comme elles me le disent toutes, c’est un peu court. Certes répond-je, mais c’est intense. Les graphismes sont justes parmi les plus magnifiques que j’ai pu voir sur la bécane du Bien. La chouette à elle seule doit être le sprite le mieux animé de l’hémisphère occidentale, avec un battement d’aile qui vous donnerait envie de vous percher sur une branche et d’hululer comme un con. Les arrière-plans sont à se damner, avec un scrolling différentiel de folie ; la foudre qui s’abat, un pont en bois balloté par le vent, une mer démontée, la pluie qui frappe contre la coque de drakkars échoués… On imagine bien le graphiste en train de coder ça debout sur son petit rocher, face aux éléments déchaînés. J’allais oublier les images fixes qui occupent le chargement entre deux niveaux, qui provoqueront des mouillages de slip chez les plus émotifs d’entre nous. Tout n’est pas rose cependant, puisque pour afficher des trucs pareils, il a bien fallu faire des coupes sombres quelque part. En l’occurrence, les ennemis. Au nombre de quatre ou cinq types différents par niveau, ils font tâche au milieu du décor avec leur manque total d’animations et de couleurs. Les effets aussi sont faibles, comme le tir d’Alestes ou les explosions qui sont franchement cheap, pas autant qu’une paire de pompes Tati, mais presque.



En revanche, parcours sans faute pour les musiques qui sont toutes au même niveau que celle de l’intro. On a droit à des thèmes épiques à la Conan le Barbare (ou le Seigneur des Anneaux pour les jeunes qui nous lisent), c’est du pur bonheur, on y croit à mort, on est collé à l’écran et on secoue la tête en rythme, la bave aux lèvres, la crise d’épilepsie au coin de l’œil.



Pour ce qui est de la difficulté, je ne peux pas dire grand-chose, je ne connais strictement rien aux shmups, pour moi un manic shooter est un préservatif réutilisable. Enfin bon, ça n’a pas l’air spécialement facile. Autant les trois premiers niveaux se passent relativement sans problème, autant les deux derniers tuent la mort. Les boss quant à eux sont teigneux, mais ne sont pas ces remparts infranchissables avec des patterns de folie qui vous obligent à avoir cinq paires d’yeux pour survivre. La durée de vie théorique étant d’environ une heure, je dirais que ça peut occuper un nombre respectable de nuits, mais ce n’est pas non plus le mythe interminable.



On pourrait aussi reprocher au jeu d’être un petit poil monotone, mais ne le dites pas trop fort, sinon il va vous cogner. Agony possède des graphismes qui auraient été les meilleurs de l’Amiga sans cette faute de goût sur les ennemis, une action ininterrompue, une musique absolument inoubliable qui devrait se retrouver sur toute compile oldies un tant soit peu sérieuse… Malgré ses quelques défauts, je pense qu’il mérite le titre de MEP (consultez le lexique du site). Voire même, comme il est vraiment très rapide, de mep-mep. Adieu.
Le point de vue de César Ramos :
Comme tous jeux amiga : peu cher, présent en lots...