Happy birthday E4 !
20 ans, et toutes ses dents par
Hebus San Nous sommes maintenant en 2025, et il se passe quelque chose de particulier : dans quelques jours, l’E4 aura 20 ans.
Si vous n’êtes pas familiers avec le site sur lequel vous vous trouvez, cet acronyme ne vous dit probablement rien. Si vous avez répondu “ben si, c’est un coup de bataille navale”, vous êtes consternants (et assez vieux, aussi, manifestement). Cela dit, reste-t-il aujourd’hui encore des gens qui surfent sur les internets sans trop savoir où aller? Reste-t-il seulement des gens qui comprennent la phrase précédente, en dehors de ceux de ma génération?
Car j’ai vieilli. Que ça me plaise ou non, que je l’accepte ou non, je le sais, je le sens dans mon corps, et même parfois dans ma façon de penser. C’est ainsi, merci, de rien, au revoir messieurs dames. Mais quel que soit l’avancement de cette décrépitude biologiquement programmée, les souvenirs, eux, sont intacts. Et il en est un en particulier qui possède une saveur toute particulière, d’autant plus forte ces derniers temps à l’approche de son vingtième anniversaire.
Je ne reprendrai pas l’explication de la naissance de l’E4, ce n’est pas l’objet de mon propos. Mais en ce début d’automne 2005, quelque chose de spécial s’est produit. Dans un contexte mondial en tout point semblable à celui d’aujourd’hui, une bande de jeunes, d’horizons pourtant extrêmement différents, ont fait le pari de se réunir autour d’une passion commune : le rétrogaming. Peu onéreux à l’époque, les gens se débarrassant volontiers pour presque rien de leurs vieilles machines devenues ringardes, il permet au petit groupe de se trouver une occupation, un but, une raison de vivre. Vous pensez que j’exagère? Je suis connu pour ça, mais pour le coup, je ne pense pas. Sans verser dans la psychanalyse de comptoir, le lien que nous entretenons tous avec ces univers numériques en dit probablement plus long sur nous-mêmes que nous ne voudrons jamais l’admettre. Quoi qu’il en soit, le ciment qui prend alors est fort, terriblement fort. L’amitié est une chose étrange. Elle est impossible à acheter, impossible à fabriquer, et même impossible à détecter lorsqu’elle naît, puisque seul le temps la consacre comme tel. Et le temps a passé, beaucoup de temps. Si le fond de la société n’a pas tellement changé, sa forme a radicalement évolué. A grands coups de réseaux sociaux et de smartphones, l’individu s’est petit à petit coupé de ses semblables alors qu’il avait précisément le sentiment, illusoire, de s’en rapprocher. Ça fait vieux con? Ben oui, je suis un vieux con, vous vous attendiez à quoi? Est-ce que c’était mieux avant? Non, définitivement non, sauf le climat, mais bref, vous avez l’idée. Avant, c’était juste différent. Et c’est cette différence que NesPas cultive depuis ces vingt dernières années. C’est pour ça que je reprends le clavier en cette période anniversaire si particulière. Pour affirmer avec fierté l’amour que je vous porte, enfant improbable d’un ennui professionnel palpable et d’un alignement d’étoiles qui a permis qu’aujourd’hui encore des gens pourtant si peu prédestinés à se côtoyer parlent encore du prochain lieu dans lequel ils pourront se retrouver pour rire, jouer, s’enivrer, et plus en fonction de qui participe…
Je crois que je ne mesurerai jamais l’incroyable préciosité de ce qui nous lie. Alors bien sûr, certains sont partis comme ils étaient venus, sans crier gare, et c’est la vie. Sur le chemin qui mène à l’oubli, certains prennent d’autres voies. Parfois dans la douleur, parfois dans l’indifférence. Mais toujours en laissant un petit quelque chose, une trace, une matière qui nourrit la fidélité de ceux qui ont choisi de rester, et qui évoquent, des années après, le passage d’untel ou d’untel, avec force grimaces et éclats de rire qui brossent l’âme dans le sens du poil. Et putain c’était pas gagné, que ce truc là perdure. Vous savez tous à quel point nous sommes différents. Différents de confessions, différents d’origines, qu’elles soient ethniques ou sociales, différents de sensibilité politique… si différents en vérité que je ne comprends toujours pas, vingt piges plus tard, comment la chose peut encore survivre. Je suppose que c’est comme l’art finalement, à défaut de comprendre on doit juste apprécier. Alors je savoure. Les années passent, la maladie et la mort rôdent chaque jour un peu plus près, et tôt ou tard elles frapperont, aussi douloureusement qu’inéluctablement. Mais en attendant, je savoure pleinement.
Chaque réunion organisée, que j’y participe personnellement ou pas, est un enchantement. Le flambeau est passé de mains en mains, depuis longtemps, chacun y apportant une lumière personnelle, et il est plus beau que jamais. Prenez juste conscience de ça : nous sommes une merveilleuse anomalie. Oui, parfois ça frotte, parfois on s’agace, mais ça dure, et c’est bien là l’essentiel. NesPas a survécu à des crashs, des procès, des dramas, l’éloignement géographique de ses membres, et à quatre présidents de la république. Des amitiés s’y sont forgées, des inimitiés aussi, mais à chaque batsignal allumé sur le forum, vestige d’une époque où se rassembler passait par là, les gens répondent présents, avec une énergie, une envie et une organisation qui dépassent l’entendement, preuve que là où il y a une volonté, il y a un chemin. Ah, il est loin le temps où il fallait aller en Espagne faire les courses avec des quantités à la louche. Vous voyez bien que c’était pas mieux avant!
Au-delà de tout ça, je veux juste laisser un témoignage personnel. J’étais loin de m’imaginer tout ça lorsque j’ai cliqué sur l’annonce ebay d’un certain loutre_agile. Vos personnalités ont fait le reste. Dire que NesPas a façonné ma vie serait sûrement un peu exagéré, mais il y a indubitablement participé. Toujours présent dans mon esprit, chaque jour que Dieu a fait depuis 2003, parfois plus, parfois moins, mais là, toujours et encore là, comme une lueur dans la nuit qu’on ne peut pas ignorer. Jamais je n’aurais pensé que les graines semées sur la terre rocailleuse de Leucate auraient germé, et encore moins qu’elles auraient abouti à de si beaux fruits. Je ne sais pas où je serai dans vingt ans, mais je suis sûr que je penserai encore à NesPas à l’aube de mes 70 piges. Vous êtes tous de grands malades, et je suis profondément honoré de faire partie de ce qui s’apparente quand même bigrement à une famille, la nôtre. Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé à cette aventure humaine hors du commun, puissions-nous continuer encore longtemps. Et même après. Longue vie NesPas.