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Raspberry Pi et Retrogaming : La tarte à la framboise façon bonne-maman

Il n'y a que Pi qui m'aille... par Silver
Nous ne sommes pas seuls dans l’Univers. Un jour, ce petit caillou bleu qui nous sert de vaisseau spatial sera visité par une race supérieure et bienveillante, prête à partager avec nous son histoire, ses rêves et son savoir. Et tandis que le Président Trump et Glorfaxxx IV Le Bienveillant se serreront la main/mandibule devant les caméras du monde entier, symbole d’une nouvelle ère, on pourra parier gros qu’un ingénieur pâlot et bigleux de la NASA, bavant nerveusement devant le bio-ordinateur quantique donné gracieusement par nos cousins de l’espace, sera le premier à faire tourner DOOM dessus.

Parce que le Présent est l’Avenir de notre Passé (oui, oui), le retrogaming et les nouvelles technologies ont depuis un bout de temps marché la main dans la main. Dès la sortie du nouveau gadget électronique à la mode, vous pouvez être sûr que qu’une communauté organisée de nerds vigoureux va s’atteler à porter divers émulateurs sur la bête, pour notre plus grand plaisir.

Si tu es un lecteur assidu de ce site, tu te souviendras probablement des dossiers au sujet de l’émulation sur la Xbox et la Game Boy Advance. Cependant, ces pratiques sont de plus en plus courantes, et plus personne ne s’émerveille devant ce genre de chose. N’importe quel hipster à chemise de bûcheron a un émulateur NES sur son IPhone. Pourquoi alors, décider de faire un dossier sur l’émulation sur un nouveau support ? Parce que le Raspberry Pi, c’est le Bien. C’est un projet plein de bonnes volontés, simple d’utilisation, suivi par une grosse communauté, et qui propose une base parfaite pour un projet rétro personnalisé. Mettez vos toques les enfants, on va cuisiner de la framboise.

Chapter 1 : The Dream

Alors, la Raspberry Pi, c’est quoi ? C’est avant tout un beau projet. Depuis 2009, la Fondation de charité Raspberry Pi, en Angleterre, promeut l’étude de l’informatique chez les jeunes enfants. Afin d’atteindre cet objectif, la Fondation produit un micro-ordinateur sur un circuit imprimé de la taille d’une carte de crédit. Fait avec des éléments similaires aux smartphones moyen de gamme, ces petits appareils proposent toutes les connectiques de base pour être utilisés dans de nombreux projets (HDMI, mini-jack, USB, ouvre-boite), et ce à un petit prix. Avec une interface Linux basée sur Debian, la Raspberry peut être programmée et utilisée pour toutes sortes de projet, dans le but de donner envie aux petites têtes blondes anglaises de se lancer dans la programmation.



Mais bon, les générations futures, la charité, c’est bien beau quand on est de gauche, mais pour le rétrogamer, l’intérêt est tout autre. On a quand même un ordinateur très cheap, fourni avec ce programme de techno-communiste qu’est Linux, donc complètement ouvert, et avec assez de puissance pour émuler les grands classiques de l’Atari à la Game Boy Advance. Les groupes, forums, et autres communautés de rétrogaming se sont vite réunis autour du Pi pour créer des OS complets dédiés au jeu, et grâce à la taille et à la simplicité de l'appareil, il peut être inséré dans n'importe quel boîtier.

Le but ici ne sera pas de vous faire un tuto complet sur l'utilisation du Pi. Vous trouverez des tonnes de vidéos et d'articles qui vous permettront d'installer les programmes qui marchent, et des centaines de projets de bricoleurs fous qui, je l'espère, réveilleront le McGyver du pauvre qui dort en vous. Je me contenterai dans ce dossier de vous narrer ma propre découverte de la Force de la Framboise.

Chapter 2 : The Journey

C'est lors d'une conversation avec un collègue ex-informaticien que j'ai découvert le Raspberry. « C'est un petit PC pas cher, sur lequel tu peux lire des films sur ta télé ou même jouer à des jeux. J'ai construit une boite en Lego pour la mienne ».

Pas cher ?

Jeux ?

LEGO?!?

D'emblée, je fonce sur un site de vente en ligne pour rechercher la chose. Hasard du destin, le modèle Pi 3, dernier en date au moment où j'écris ses lignes, venait de sortir la veille. Une vieille envie de dépense, tel un pauvre le 02 du mois, et je commande l'ordinateur avec un stick en kit vendu par les gentils Geeks tendance de Adafruit, le Picade. Deux modèles existent, une version stick seul, et une version mini-borne. Je craque en voyant les panneaux en bois comme-en-vrai, sans vraiment réfléchir à comment ça marche. Si tu es sur ce site, tu as probablement toi aussi connu la montagne russe émotionnelle du craquage de slip, celle qui commence avec une soirée solitaire trop alcoolisée et qui se termine avec une Neo Geo et trois semaines de pâtes. Est-ce que la Gagne sera présente, ou le souffle tiède de la Défaite soufflera sur mon crâne luisant ?



Quelques jours plus tard, la commande arrive à bon port, et j'admire mon butin. La Raspberry Pi 3 est dans une petite boite ressemblant à une pastille pour la toux, et le stick est en un million de pièces. Merde, je bosse pas 35H semaines pour faire le boulot du gosse chinois censé monter ce truc ! Étudions plutôt le cerveau.

Ah ils ne se foutaient pas de ma pogne quand ils parlaient de « nano-ordinateur ». Le Pi est vendu nu, avec ses puces à l'air. Vous pouvez l'utiliser sans problème comme ça, mais sur la table basse, ça le fait moins. Un peu « art trouvé », voyez-vous. Mais impossible de résister à l'appel du Nerd. Je branche la bête sur la TV, un clavier, la prise officielle Raspberry (n'importe quel chargeur micro-USB fera l'affaire, mais si vous branchez plusieurs manettes et des disques durs, je vous conseille les 5V et 2,5A de l'officiel), et je teste NOOBS, le programme de base, avec Debian. Un bureau Windows-like s'ouvre dans une résolution naine, je surfe un peu sur le web... Ouais, ça marche. Passons aux choses sérieuses.

Chapter 3 : The Mind

La première chose à faire donc est d'installer un Frontend pour émuler les jeux. Un frontend, c'est un programme visuel qui boote dès que la machine se lance, proposant la liste des émulateurs et de leurs jeux dans un menu chatoyant dans lequel on navigue facilement à la manette.

Sachez avant tout que je ne connais rien à Linux. Pour moi, c'est un peu le communisme de l'informatique. Pas le communisme cool à la Petit Père du Peuple, hein, plutôt le jeune de Rennes 2 qui tire sur son joint en disant « Imagine, mec, plus de possessions...Wow ». Visuellement, on dirait les écrans de lettres vertes dans Matrix, qui en écran de veille en 2001, étaient cool, mais comme interface de travail, bof. Et puis ces gens qui demandent en code à des ordinateurs de « sudo kill x machin », et après ça on s'étonne que Skynet se réveille après pour exterminer les humains. Bref, j'entrais en territoire inconnu.



Plusieurs programmes existent pour transformer le Pi en console retro. Dans mes recherches, deux noms sortent du lot : Retropie et Recalbox. Recalbox est plus user-friendly, a un lecteur multimédia intégré, et est basé sur une communauté francophone. Mais, pas de bol, mon stick ne marchait pas directement avec lui. Retropie est anglophone principalement, se concentre sur le jeu (la vidéo est en option), et nécessite parfois de mettre les mains dans le cambouis, mais rien d’effrayant. Le stick marche direct, le choix est donc vite fait. Mais si vous n'avez pas le même soucis que moi, n'hésitez pas à tester les deux, Recalbox a su séduire le gros de la population Nespasienne.

L'installation est un jeu d'enfant. Vous téléchargez une image, vous la copiez sur une micro-SD (ne soyez pas chiche et allez directement vers une 32Go, pour les jeux en CD), vous allumez le Pi, le tout se lance après une installation complète. Il reste juste à configurer la manette (vous allez devoir utiliser un clavier les 2 premières minutes, après vous pouvez le bazarder) et charger les jeux. Les ROMS se chargent en les glissant dans les dossiers de Retropie depuis le réseau de votre Windows, ou avec une clé USB, mais grâce au Wifi intégré du Pi 3, le click n'drop est d'une simplicité diabolique.



Et voilà les portes du Paradis qui s'ouvrent à toi jeune oldiste ! Sans compter le temps de chargement de l'installation, la première partie se fait après 5 minutes. La plupart des consoles marchent du premier coup, et grâce à Retroarch, l'un des sous-programmes, le mapping des boutons est commun à tous les émulateurs. La Super Nintendo passe comme une fleur, comme sa grande sœur la NES, le Pi n'est qu'une vulgaire PCB qui menace de se casser la tronche à chaque mouvement un peu trop fort sur le cable de la manette, mais it's alive, ALIVE ! Déjà Tetris Attack me fait rêver avec son gameplay d'autiste pendant une heure. Même Batman Returns sur Game Gear émule les effets de neige que les trois-quarts des émulateurs ignorent complètement. C'est une joie digne de la fin d'un film de Noël avec Woopie Goldberg.



Bien sûr, tout n'est pas parfait, mais rien n'est insurmontable. Certains émulateurs réclament des bios, à glisser dans les bons fichiers. Snatcher sur Sega CD plantait à certains passages du jeu, mais changer d'émulateur pour la console dans le menu de lancement m'a permis de passer outre ce problème. Final Fantasy 6 ramait, mais parce que j'utilisais une mauvaise alim qui n'envoyait pas assez de jus à la machine (je vous avais dit que l'alimentation officielle valait le coup). Et j'avoue que MAME pour l'arcade est encore récalcitrant, vu que trois versions coexistent dans Retropie et marchent plus ou moins bien selon les jeux. M'en fous, Final Burn Alpha fait tourner les jeux Capcom et Neo Geo parfaitement. Et passé ce soucis (qui sera probablement résolu dès que j'aurais décidé de me sortir les doigts du fondement), Retropie est très simple et agréable d’utilisation. Pour couronner le tout, il est customisable à merci. Vous voulez changer le style du menu ou l'écran d’accueil ? Dans la dernière version en date (actuellement 3.7), c'est très facile.



Chapter 4 : The Body

Mais la Victoire n'est que de courte durée. Ma tarte aux framboises est toujours là, nue et anorexique, avec la moitié de la carte qui ne touche pas le sol à cause du câble HDMI trop lourd. C'est périlleux. Il est temps d'emballer le tout. Car la Pi n'est pas vendue désossée par avarice, mais pour permettre au Créateur de s'exprimer. Vous voulez mettre votre ordi dans une borne d'arcade custom, une vieille Megadrive désossée, voir même un Game Boy ? C'est possible, et quelqu'un l'a probablement déjà fait et en a posté le guide. Avec le nouveau modèle minuscule qu'est le Pi Zéro (une version de la taille d'un paquet de chewing-gums), vous pouvez même monter le tout dans une manette NES. L’Aventure t'appelle, jeune oldiste !

Bon, j'ai craqué pour un stick arcade en kit à assembler avec deux boulons et quelques câbles. Côté aventure, c'est un peu le city-trip à Dijon. Mais Rome ne s'est pas faite en un jour.

Ne me jugez pas.



Mais le Picade est un bon exemple de ce que l'on peut faire avec le Raspberry. Un objet maison, personnalisé, sympa, et de qualité. La boite est dans un bois traité qui sent bon la borne de Street Fighter au fond d'un bar. Il ne manque que le cendrier avec les traces de brûlures. Les designers du stick ont même pensé aux boutons Start et Select/Coins, à Escape et Enter sur le côté (les boutons sont reconnus comme des touches de clavier, d'où le soucis avec Recalbox), et même un haut-parleur intégré pour jouer sur un écran de PC ou simplement profiter d'un son « old-school ». Passé une partie endiablée de Marvel VS Street Fighter, je décide de lancer un petit Zelda.

Au stick, c'est bof.

Et les prises USB sont dans la boite.

Ah merde.



Oui, voici le gros défaut de cet objet : aucune prise USB accessible. La seule solution est de faire passer une rallonge, et la moitié des plugs sont bloqués par le haut parleur. Et si je veux jouer à un RPG ? Jouer avec un ami ? Brancher une clé USB pour mettre des ROMs ? Ou un clavier lors des rares moments où taper un code wifi ou un nom de jeu pour le scrapper ? Voici donc l’Échec, tel une biffle congolaise. Malédiction.

C'est donc frustré que je démonte la Pi de sa nouvelle boite, et que je commande un boitier en plastique transparent, facilement trouvable au prix d'un kebab sur Amazon. Du city-trip à Dijon, on est passé a Louis la Brocante un dimanche pluvieux de novembre.

Chapter 5 : The Promise

Mais ce n'est que partie remise. Le stick marche aussi très bien en branchant la Pi à l'extérieur de la boite (le PCB des boutons se relie au Pi par USB par un cable biiiieeen trop long pour rester plié sagement dans sa boite, à croire que les designers du Picade savaient et ont créé cette alternative de « bête stick à part »). Ce qui me permet d'investir dans quelques manettes dédiées, et des dissipateurs de chaleur (car le Pi 3 chauffe un peu trop comparé à ses frères). Je vous conseille fortement les manettes USB SNES d'iBuffalo, qui se trouvent pour trois fois rien sur la toile et qui sont de très respectables copies, ou les manettes du jeux Pokken Tournament, produits officiels Nintendo qui ressemblent à des manettes Super Nintendo avec une ergonomie moderne, pour un prix correct et compatible PC sans soucis. Même les manettes de consoles modernes marchent sans aucune difficulté.



Mais quel est le plaisir de se contenter de la facilité ? Plus que le hardware ridiculement cheap, les tonnes de distributions disponibles ou les nombreuses communautés offrant leur savoir, ce qui impressionne le plus dans la Raspberry Pi, c'est le potentiel. Imaginez, un ordinateur qui contient l'intégralité des jeux NES, et qu'on peut faire rentrer en prison en se le cachant dans le fondement ! The Sky is the limit ! J'ai eu autant de plaisir à planifier mon projet de console oldies custom que de jouer avec celle-ci, et si le projet est actuellement au point mort, ce n'est que partie remise. Est-ce que je construis une NES en Lego ? Ou est-ce que j'en cherche une en triste état pour la désosser et lui fourrer un Pi dans le moteur ? Les possibilités... sont infinies. The Fight is Everything.