Ici, on sait pourquoi 42.
Ténèbres
Rainbow Production - 1988
Allumer torche. par EcstazY

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Etes-vous déjà resté scotché sur un jeu Amstrad ? Oui, peut-être, en accumulant mentalement toutes vos heures de classiques comme Fruity Frank et autres Contra… Mais rarement à la suite, d’affilée, si ? Si cela vous est déjà arrivé, admettons. Mais vous faites partie de cette race de gens incroyablement rare qui veut que vous n’ayez pas réellement de vie sociale, et que votre enfance ait été un clavier. Ce n’est pas sale, c’est juste… Différent. Pour les autres (et j’espère qu’il en reste) figurez-vous que j’en ai trouvé un. Un jeu qui ne soit pas un classique de l’extrême, et qui permet de fasciner les foules pendant une bonne paire d’heures grâce à son charme. Et c’est tellement rare que c’en est sympathique. Je suis tout fou.



Ténèbres est un jeu de rôle à l’ancienne. Car la définition du jeu de rôle dans les années 80 n’a plus grand-chose à voir avec l’imagerie populaire amusante que l’on peut subodorer de nos jours, non non. A l’époque, un jeu de rôle n’était pas un jeu avec tout un tas de gens sans vie en ligne, dans un univers finalement préformaté, prémâché. A l’époque, la première chose qui venait à l’esprit quand on disait « ce soir c’est soirée jeu de rôle », c’était le fameux cocktail bière-papier-stylo-imagination. Et c’était merveilleux. Alors bien sur tout cela n’est pas mort, mais a vaguement disparu aux yeux des mortels pour ne garder que le plus laid. Mais dans le cœur des vrais le vrai JdR subsiste. Fort heureusement…



Après ce paragraphe qui n’apporte rien, éclairons votre lanterne et parlons de Ténèbres. Ténèbres c’est donc un jeu de rôle sur Amstrad, d’un genre un peu différent. Sur Amstrad, la majorité des jeux de rôle se compose du fameux cadre visuel qui situe l’action en une image et de la non moins fameuse ligne de commande abstraite, celle qui vous fait injurier l’Amstrad à grand coup de « mais tu comprends ce que je dis bordel ?! ». Jouez une fois dans votre vie à SRAM 2 pour comprendre ce que le concept « d’incompréhension numérique » signifie. Car à l’époque en plus d’avoir des idées, du talent, du pétrole, du recul sur la vie, les musclés, des chaînes télévision de qualité, des brioches pitch, Casimir, on avait aussi du vocabulaire.



Il fallait en effet être en mesure d’écrire une action brève à la machine, qui réagissait en conséquence, ou pas. Ainsi il n’était pas rare d’avoir à saisir des « nord » « ouvrir porte », « desceller cercueil » « fesser avec virulence la paysanne » et autres fantaisies de ce monde. On devait alors développer des trésors d’ingéniosité pour arriver à ses fins. Car si les exemples que je donne sont volontairement simplistes, il fallait parfois réellement être dedans pour débloquer la situation. Un « empaler canard sur torche pour faire l’hélicoptère » qui fonctionnait, et c’était le début d’érection et la joie dans votre foyer pour les 3 mois à venir, avec même un crédit d’impôt. Mais était parfois terriblement frustrant.



Ici rien de tout cela. Comme dans Devilry 2, les choix sont proposés, et il ne vous reste plus qu’à choisir dans une liste, avec les flèches et une validation par la touche entrée. Et c’est tout. Pas de réflexion capilotractée de l’extrême, juste un choix à faire, le bon vraisemblablement. C’est une variante qui n’a pas l’air, mais qui a son charme. Cela signifie qu’en deux secondes on peut être dans le jeu, sans avoir à trop se remettre 20 ans en arrière. On devra donc effectuer une multitude de choix pour évoluer dans univers classique d’heroic fantasy.



Graphiquement c’est un peu light. Au lieu du traditionnel écran qui permet de visualiser ce qui nous arriver, on a parti pris étonnant : tout pour le texte ou presque, et un vague cadre autour pour dire que l’on avance bien, pour permettre de varier un peu. On aura donc droit à plus de textes. Et ça c’est très sympathique car notre conteur est talentueux, et va nous aider à nous prendre au jeu un maximum. On sera très heureux d’avoir le cadre qui change de temps en temps, mais comme on est à fond, c’est à peine si l’on s’en rend compte.



Vous l’aurez compris (en tout cas je vous le souhaite. Je ne suis pas toujours très clair quand je m’exprime dans le TGV) l’accent a été mis sur l’histoire et le texte. Le cadre textuel est grand, permettant à notre maître des jeux de raconter pleinement, en ajoutant moultes détails qui enrichissent l’histoire avec intelligence. Il sera question d’une traditionnelle quête contre le mal, en passant par la fameuse princesse à sauver, rien que du classique. Mais avec classe et talent. On enchaînera différents univers toujours finement détaillés, et la multitude des actions possibles rendra le jeu réellement ludiques, sans temps mort narratif.



Et Dieu sait si le rythme est soutenu. Toutes les 2 questions la mort rôde et astique tranquillement sa faux en attendant que vous tombiez comme un gros nul dans le panneau. Et vous y tomberez… Rassurez-vous, même si la difficulté est présente (surtout vu le nombre de fois où vous allez mourir) vous ne redébuterez pas toute la quête, heureusement… Vous recommencerez au début du dernier tableau où vous êtes décédés comme une merde. Oui, je ne suis pas là pour vous mettre à l'aise, loin de là.



On va donc enchaîner des centaines de questions, de lignes de textes, pour aller sauver la nouille qui s’est une fois de plus laissée capturer. L’ingrate. Et on va rentrer à fond dans le jeu de l’auteur. En très peu de phrases ce bon bougre nous décrit une salle, une forêt, un animal, une situation, de manière si complète que l’on est là bas, que le choix sera le bon (ou pas) et que l’on n’avancera pas par dépit, en cliquant mollement dans le mou. Le jeu se boucle en 30 min lorsque l’on connaît toutes les feintes, en plus d’une heure lorsque l’on découvre. Ce n’est pas un jeu que l’on refait, oh non, mais on le terminera au moins une fois, comme ça, pour le goût du conte et l’ambiance amusante qui s’en dégage.



Car tout peut aller très vite. Comme il n’y a pas de graphisme, l’Amstrad aura juste à charger les changements de texte. Donc il emmagasine des dizaines d’écrans par chargement. Ce qui est un gain de temps énorme comparé à ces nombreux jeux où une lecture = un écran…



Ténèbres est donc un jeu très chouette. On y passera du bon temps, à tenter de sauvegarder l’autre gourde, dans une ambiance classique mais réellement sympathique, avec des graphismes cheapounet mais finalement non nécessaire. Comme souvent sur Amstrad, c’est une petite merveille méconnue qui mérite que l’on s’y intéresse un peu plus, dopée à une alchimie finement ciselée par l’auteur. Une chouette surprise que je vous conseille de découvrir.

Le point de vue de César Ramos :
Relativement rare neuf, comme d'habitude avec l'Amstrad.