Ô Tang ! Suspends ton vol.
The Island of Dr. Destructo
Mastertronic Ltd. - 1987
Tora tora tora ! par Fungus

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Vous savez ce que j'aime dans l'Amstrad CPC ? Oui, certes, sa promotion est faite par crocodile en mousse qui parle et ça m'amuse beaucoup. Non, ce que j'aime avant tout c'est le coté chasse au trésor que représente sa ludothèque. Sous des strates de titres dont l'intérêt tutoie aujourd'hui le zéro, se cache parfois une petite pépite, un sombre jeu réalisé par un auteur encore plus obscur et dont l'éclat va rejaillir après un cat et un run tapoté de ses petits doigts dodus. Et là, il apparaît, lumineux, sortant des ténèbres dans lesquels il végétait depuis une vingtaine d'années. Le petit trésor de ma dernière excavation en date, c'est ce Island of Dr Destructo dont le seul nom m'a fait dresser le museau, tel un épagneul qui aurait flairé un faisan dans la campagne brumeuse d'un matin de Sologne. Oh, la belle prise.



The Island of Dr Destructo. Je laisse les mots résonner dans vos oreilles. The Island of Dr Destructo. Foutrediable. Typiquement le nom qui me vend un jeu. Avant même d'enfourner les trois pouces de données magnétiques dans le lecteur, je sais d'ors et déjà que je vais avoir affaire à quelque chose d'exotique, d'épicé, qui va laisser des traces d'une manière ou d'une autre. Dans l'ordre des choses, c'est qui ce Dr Destructo ? Pas la moindre idée. Probablement l'homme à abattre avec un patronyme pareil. On ne peut raisonnablement pas considérer une vie civile irréprochable avec ce nom sur sa boite au lettres. Donc l'accusé est coupable. De quoi, je ne sais mais ce n'est pas ce qui va nous empêcher de trouver une sanction. Lui bombarder le museau par exemple. Cela ne peut pas nuire. Enfin, si en fait mais je me comprends. Dégagez la piste, armez le napalm et goupillez les ogives, si tant est que cela veuille dire quelque chose.





Le principe est tellement enfantin qu'un sous-officier de carrière pourrait le comprendre. Aux commandes d'un petit zinc, vous survolez l'océan et devez couler ce qui y flotte : porte-avion, croiseur, baleinier japonais. Rien n'étant jamais facile dans ce monde amer et gris (essayez de passer à la Poste après 17h), le ciel au dessus de votre cible est particulièrement encombré par des bidules volants qui n'ont de cesse de vous empêcher d'envoyer votre cible nourrir le corail. Nous seulement il vous faudra les détruire pour éviter de faire un constat qui s'avérera délicat à rédiger à 2000 pieds d'altitude mais c'est également l'unique moyen d'envoyer par le fond le gros truc qui clapote sous vos pieds. En dégommant les pilotes adverses, on les envoie s'écraser avec pertes et fracas sur le bâtiment, qui s'émiette peu à peu; jusqu'à ce qu'aucun seau et serpillière ne suffisent pour combattre les voies d'eau. Glouglou et niveau suivant. Et ceci sans perdre du temps en se roulant une gitane maïs ou en envoyant des messages rigolos à vos copains cibistes : vous ne disposez que d'une semaine pour défaire le Dr Destructo et son empire du mal, pas un RTT de plus.



Le principe est simple, la progression l'est un peu moins. Si les premiers niveaux sont l'occasion de jouer avec votre manche à balais et tenter de dessiner une bite avec la fumée de votre appareil (ce que tout pilote a tenté une fois dans sa vie), le goût âpre de la guerre se rappelle à votre bon souvenir dans votre bouche. C'est lorsque le quatrième niveau pointe le bout de son nez que l'on commence à en chier des briques chauffées à blanc.



Parce que le ciel devient un véritable bordel dantesque et l'air commence à avoir un goût de cendre et de sang. Aux avions divers, viennent s'ajouter des hélicoptères qui vous harponnent avec des fléchettes à ventouses géantes (la réponse nazie au programme Manhattan américain), des sortes de satellites (probablement les services de renseignement soviétiques qui se demandent d'où vient ce bordel) ou des bombardiers obèses vomissant leur enfer de TNT. Signe que l'Etat Major panique, parce que pour tenter de dégommer chasseur avec une bombe de 5 tonnes, il faut une sacrée confiance en soi ou être passablement con. Ce qui dans la hiérarchie militaire n'a rien d'incompatible soit dit en passant.



Graphiquement, c'est du mode 0 : résolution ridicule mais couleurs chatoyantes donc. Et c'est tant mieux comme ça. Seize couleurs simultanées ne sont pas de trop pour nous faire voyager sur le bleu infini des étendues du Pacifique, en louvoyant parmi des archipels dont le nom sonne comme un exercice d'orthophoniste ou une mauvaise marque de jus de fruit. Les écrans fixes sont clairs, propres et sans ambiguïté ; on sait où on est et ce que l'on doit faire. Les petits pioupiou se détachent bien dans le ciel et ne se demande que très rarement où est passé le notre, même lorsque l'espace aérien vire à la ratatouille mécanique. L'olive dans le verre à Martini : une gestion en temps réel de la course du soleil. Le CPC mouline comme un petit fou pour faire défiler les journées avec une variation de la teinte du ciel et les astres qui passent faire coucou derrière votre zinc. Une excellent façon de maintenir la pression de l'ultimatum des sept jours évoqué plus haut. Ah ça, on est pas à Stalingrad, où il fallait un mois pour avancer sa tente d'une cinquantaine de mètres dans la boue. Les russes ont toujours été horriblement besogneux.



Le petit plus parfaitement dispensable et par conséquent hautement délectable : on peut changer la tonalité des bruitages après avoir mis sur pause. Vous avez le choix entre des pioupious délicats ou des gros éclats bien gras qui font frémir les tympans. Les braves, de ceux qui auraient rasé Okinawa avec un simple Messerschmitt et un demi-plein, choisiront bien entendu la seconde option, la seule qui ne fait pas passer la bataille du pacifique pour un tournoi de ping pong de quartier. Ils devront par ailleurs se contenter de ce maigre bagage sonore puisque nib pour le reste, l'habillage musicale étant aussi vide que les soutes d'Enola Gay de retour du Japon.



Comme une écrasante majorité de jeux de sa génération, The Island of Dr Destructo (seigneur, même en l'écrivant j'ai un frisson) possède une durée de vie reposant uniquement sur son concept. Ça passe ou ça casse. Je joue cinq minutes avant de tomber en catalepsie ou j'y suis encore lorsque résonnent les trompettes du Jugement Dernier. Banco pour ce jeu : on y sacrifie rapidement une heure de sa triste vie ; son code de l'honneur interdisant de poser un genou à terre tant que ce misérable Dr Destructo vous regarde au loin, en riant et avalant une nouvelle gorgée de punch coco. L'aspect très arcade du jeu lui octroie une durée de vie bien supérieure à nombre de jeu Amstrad, ce qui n'est pas peu dire. Et si j'ajoute sans frais supplémentaire que l'on peut jouer à deux en simultané, c'est presque trop, j'en tremble moi-même rien qu'en y pensant.



Un jeu CPC simple, agréable à jouer, joli et que l'on ne renvoie pas au néant passé cinq minutes de jeu ? Il vous faut quoi de plus ? Ce jeu traverse parfaitement les ans et les gouvernements, et conserve sa fraîcheur des premiers instants. Il offrira une parfaite soirée rétro, accompagné d'un sachet de chips au poivre et d'une bière de table millésimée.

Le point de vue de César Ramos :
Comme tout jeu Amstrad, au hasard d'un lot, à rien.