Il y a des jeux qui vous marquent pour toujours. SRAM fait partie de ces titres qui ont façonné toute une génération de joueurs, ces aventures qui transformaient votre Amstrad CPC en machine à rêves. C'était un de mes premiers jeux, et je m'en souviens comme si c'était hier.
Allons droit au but : la difficulté. SRAM, c'était le Mont Everest du jeu d'aventure textuel. Pas de soluce en ligne, évidemment – internet n'existait pas dans nos chambres d'ados. On se refilait les tuyaux à la récré, dans la cour, entre deux parties de foot. "T'as réussi à passer le labyrinthe ?" "Ouais, faut taper NORD trois fois puis EST." Ces échanges cryptiques valaient de l'or. Chaque énigme résolue était une victoire qu'on partageait, une fierté collective. C'était beau, au fond.
Aujourd'hui, on n'imagine même plus ce que c'était de résoudre un jeu à base de phrases sans Google. Il fallait de la patience, de l'obstination, et surtout il fallait
comprendre le jeu, rentrer dans la tête des développeurs. On passait des heures, des jours parfois, sur une seule énigme. Et quand enfin la solution apparaissait, c'était comme une illumination. On avait l'impression d'être un génie.
On notait tout sur des feuilles à carreaux. Ces plans pathétiques, tout nuls, griffonnés de partout, raturés, annotés dans tous les sens – c'étaient nos véritables cartes du monde le temps d'une aventure. Des flèches qui partaient dans tous les sens, des "ICI le troll" écrits en majuscules tremblantes, des "ATTENTION piège" encerclés trois fois. Ces feuilles froissées, tachées de Coca, c'était notre trésor. On les gardait précieusement dans un classeur, comme des reliques d'explorateurs. Aujourd'hui, je donnerais cher pour retrouver mes vieilles cartes de SRAM.
Et ces énigmes, parlons-en ! À l'époque, personne ne trouvait ça bizarre. "Ah, il faut prendre le gland du sanglier, ok..." On hochait la tête, on notait ça sur un bout de papier, et on continuait. Aujourd'hui, ça fait quand même vaguement lever le sourcil. Mais c'était ça, la logique du jeu d'aventure des années 80 : surréaliste, poétique, parfois complètement barrée. Et on adorait ça.
Ajoutez à cela une excellente musique... Ce générique reste encore aujourd'hui gravé quelque part dans un coin de ma mémoire, niché entre mes souvenirs d'enfance et l'odeur des cahiers neufs en septembre. Le compositeur avait réussi l'exploit de tirer du chip sonore de l'Amstrad une mélodie qui vous donnait des frissons. Quand ces premières notes retentissaient, on
savait qu'on partait pour un voyage. Mon cœur se serre encore un peu quand j'y repense.
Les graphismes de SRAM étaient magnifiques, dans ce style si particulier aux aventures graphiques de l'époque. Mais surtout – et c'est là que le jeu se distinguait vraiment – ils s'affichaient vite. Incroyablement vite. Pas d'attente interminable ligne par ligne, ce supplice qu'on connaissait avec tant d'autres titres. SRAM vous plongeait instantanément dans ses décors, et ça, c'était du luxe sur un Amstrad. On appréciait ces petites choses, à l'époque.
Les décors, justement. Quelques traits, quelques touches de couleur, et pourtant on s'évadait complètement. Un désert avec un bateau pirate échoué au milieu de nulle part. Un centaure qui surgissait dans une clairière. Une grotte mystérieuse dont on ne voyait que l'entrée sombre et menaçante. Ces espaces esquissés simplement faisaient travailler l'imagination d'une manière que les graphismes photoréalistes d'aujourd'hui ne permettent plus. On
complétait le tableau dans notre tête. C'était magique.
Et puis il y avait ces bruitages, ces petites touches sonores bienvenues qui donnaient vie à l'aventure. Le bruit de la cascade, par exemple, quand on arrivait près de la chute d'eau – ce chuintement synthétique qui sortait du haut-parleur minuscule de l'Amstrad. C'était rudimentaire, bien sûr, mais ça suffisait à rendre le tout vivant, palpable. On
entendait le monde autour de nous. Ces détails faisaient toute la différence.
Les textes étaient un régal. Les développeurs avaient de l'humour, un vrai sens de la répartie. Chaque pièce visitée, chaque objet examiné donnait lieu à des descriptions drôles, parfois absurdes, toujours inventives. On ne se contentait pas de jouer, on
lisait une aventure, on la vivait de l'intérieur, on la rêvait. C'était de la littérature interactive avant l'heure, même si on ne le savait pas encore.
SRAM, c'était ça : un véritable voyage depuis sa chambre. On partait à l'aventure sans bouger de sa chaise, les yeux rivés sur ce petit écran cathodique, les doigts pianotant sur ce clavier en caoutchouc si caractéristique. L'Amstrad devenait une porte vers d'autres mondes, un vaisseau spatial personnel. On y passait des après-midis entiers, oubliant le temps qui passait.
Aujourd'hui ? Aujourd'hui, j'avoue : je prends la soluce. Parce qu'on est comme ça, nous autres vieux gamers. On est devenus des feignasses, confortablement installés dans notre nostalgie. On n'a plus ni le temps, ni cette patience infinie de l'enfance. Et puis, mes amis de la récré sont loin maintenant. Certains, je ne sais même plus où ils sont. D'autres ne sont plus là du tout. Il n'y a plus personne à qui demander "Comment on fait pour passer le pont ?". Alors oui, je prends la soluce, et je ne m'en veux pas trop.
On veut
retrouver les sensations, se replonger dans ces souvenirs doux-amers, sans la frustration. Et franchement ? Ce n'est pas si grave. L'essentiel est intact : cette mélodie qui revient et me serre la gorge, ces graphismes qui s'affichent toujours aussi rapidement, ce bruit de cascade qui résonne encore dans ma mémoire, ces textes qui me font encore sourire tendrement. SRAM reste un monument, un de ces jeux qui nous rappellent pourquoi on est tombés amoureux du jeu vidéo, et pourquoi on le reste encore aujourd'hui, malgré tout.
Bonus : la soluce, parce que bon j'ai beau en parler si je ne la mets pas c'est totalement inutiles :
LIRE MENHIR - EST - SIFFLER - PRENDRE MESSAGE - LIRE MESSAGE - OUEST - NORD - MONTER DANS ARBRE - REGARDER DANS NID - PRENDRE COUTEAU - DESCENDRE - OUEST - TRAVERSER CASCADE - PRENDRE PELLE - ENTERRER SQUELETTE - REGARDER DANS TONNEAU - PRENDRE GOURDE - OUEST - NORD - LIRE PANCARTE - EST - PARLER A ERMITE - DEMANDER FLUTE - L HOMME - ENTRER DANS MAISON - FAIRE MÉNAGE - SORTIR - OUEST - SUD - EST - EST - REMPLIR GOURDE - SUD - PRENDRE ARC - EST - SUD - PRENDRE CANNE - EST - PRENDRE GLAND - DONNER GLAND AU SANGLIER - PRENDRE FEUILLE - EST - TRAVERSER PONT - TUER SERPENT - PRENDRE ÉCAILLE - OUEST - OUEST - SUD - NAGER VERS TRONC - PRENDRE NÉNUPHAR - OUEST - SE BALANCER SUR LIANE - PRENDRE FLÈCHE - SE BALANCER SUR LIANE - OUEST - NAGER - CREUSER - PRENDRE OEUFS - OUEST - OUEST - JOUER FLUTE - DONNER ARC ET FLÈCHE AU CENTAURE - NORD - NORD - BOIRE - NORD - ENTRER DANS BATEAU - OUVRIR COFFRE - PRENDRE PIÈCES - SORTIR - NORD - T AS DE BEAUX YEUX TU SAIS - COUPER OREILLE - EST - EST - DONNER INGRÉDIENTS A ERMITE - OUEST - SUD - EST - EST - EST - EST - DONNER FIOLE - PARLER A EDUALC - TUER GARDE - DONNER OR - SOULEVER PAILLASSON - PRENDRE CLEF - OUVRIR PORTE - ENTRER - DONNER FORCE