Patrick Roy lives.
Adventure Island
Hudson Soft - 1991
Noix de coco et slip en feuille par EcstazY

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Des années d’interdiction parentale m’avaient fait désirer plus que tout au monde la Game Boy. Nous n’avions le droit d’utiliser notre NES qu’une fois par semaine, pendant 1h. Point barre. « Aller vous promener » « Faites du sport », toutes ces choses fortement éloignées de l’iPad et des Vtech de maintenant, croyez-moi. Alors quand - pour une raison qu’encore maintenant je cherche à comprendre – un des amis de mon frère lui a donné une Game Boy, comme ça, pour le fun, parce qu’il en avait deux, j’ai découvert ce que le mot orgasme signifiait. Tetris ! Marioland ! Et Adventure Island.



Je connaissais les deux premiers jeux. Tous mes amis les avaient, c’était des classiques. On y jouait lors des sorties de classe, lors de notre retraites, partout. Et Adventure Island, l’inconnu au bataillon. La cartouche m’avait tout de suite plu. De jolies couleurs, un personnage avec une bouille sympathique, une île déserte trop cool, des méchants tout sourire, la recette simple du bonheur.



A 12 ans on est parfois tout de même un peu léger…



L’écran titre ne dépareille pas avec la première impression. C’est gai, primesautier, joyeux, relativement fin en dessin, entraînant. Youpi. Et l’aventure. On y dirige un type en slip en feuilles de bananes à travers plusieurs îles pour tuer le méchant. Classique. Nous passerons sur la tenue vestimentaire de notre héros qui laisse planer comme un doux parfum de psychotrope sur la préparation du jeu. Le scénario est ce qu’il est, a 12 ans on n’a guère besoin de plus.



On se retrouve donc à enchaîner les niveaux de plateforme en rouleau. Pas de haut bas, juste de gauche à droite, sans changer de plan. Le niveau 0 de l’action. Quelques ennemis rares viendront perturber un peu l’ensemble. Par niveau de 2 minutes maximum on peut compter dans les 10 ennemis en moyenne. Quelques bonds, quelques ennemis locaux (coquillages, crustacés et autres oiseaux) et c’est terminé. Pour aller au niveau suivant, ou quelques bonds, quelques ennemis locaux vous emmèneront vers le niveau suivant, qui après quelques bonds, quelques ennemis locaux vous…



Ceci n’est pas un bug de saisie. Ce jeu est l’exemple même du théorème du mouvement perpétuel. Dupliquez un niveau de plateforme au level design niveau « école de jeu vidéo première année » une bonne cinquantaine de fois, changez un poil les décors, et c’est parti, vous avez un jeu game boy de la grande époque.



Conscient que c’était peut-être un peu gros, les développeurs ont ajouté quelques maigres fantaisies à croquer. Au fil de l'aventure, on peut se faire accompagner de dinosaures, qui vous serviront de camarades de randonnée. L’un va dans l’eau, les autres crachent du feu et le dernier vole. Un peu de fun dans ce monde de brute ? Non, la vaseline, tout simplement.



Notre petit héros aura aussi à lutter contre la gangrène mystérieuse qui parcourt son corps. Pour une raison inexpliquée, il dispose d’une barre de vie qui fond comme neige au soleil lors de l’avancée du niveau. Il devra donc croquer quelques fruits et légumes glanés au long du niveau, sous peine de mourir, là, en slip en feuilles au milieu de rien. Epargnez-lui ce sinistre destin, et arrêtez de bailler cela commence à se voir.



L’ennui est donc total. On a l’impression que l’on s’est glissé dans une spirale de l’échec, une sorte de journée de la marmotte en slip de feuilles, un hamster dans une roue sur une île déserte. La musique n’aide en rien, les graphismes sont quelconques, et au dernier niveau, c’est presque un soulagement d’expédier ad patres l’ingrat monstre de l’île. Quelques lancers de marteaux en pierre plus tard, il rejoint le paradis des monstres tristes des jeux vidéo. Sait-on pourquoi on le tue ? Peut-être avait-il une famille, quelque chose à prouver au monde, de terribles problèmes d’oreilles bouchées ? Pourquoi cette existence vaine de déambulation dans la jungle ? Pourquoi ?



Alors on éteint sa Game Boy, l’objet de tous les désirs, avec sur la langue le suc maudit de la vacuité qui se glisse tout doucement entre nos dents à l’époque encore sans plombages. J’ai véritablement passé 40 minutes sur ce rien ? Et si j’allais plutôt en profiter pour échanger avec la petite Laetitia ma voisine de bus, qui du haut de mes 12 ans commence à faire poindre un peu d’émotion sur ma personne, et me fera peut-être découvrir une autre île déserte et la joie des noix de coco… Finalement, tout n’est peut-être pas si foutu que cela…


Le point de vue de César Ramos :
Commun, pas cher, donc déjà trop cher...