"Nes Pas est ma plus belle source d'inspiration." F. Vincent, Pointe-à-Pitre
Shinobi
Sega - 1991
She, no bite. par EcstazY

Extras : Musique - Manuel TXT - Manuel PDF
Atlanta – Los Angeles – San Francisco un dimanche matin froid et brumeux de juillet. Je quitte le vieux sud, ses chauffeurs de taxi sans dent et une des rares parties des USA avec une histoire un peu amusante. Vers ou ? Vers la côte ouest, ses rappeurs, ses shows ridicules, mais surtout ses incroyables sites naturels. Avant cela il me reste néanmoins un certain nombre de soucis à régler. Ma voisine entonne un psaume gospel dans l’avion, récoltant le support d’autres gros, qui se mettent à l’accompagner. Une famille entame ses gâteaux pleins de crèmes en hurlant, en mangeant, donnant l’impression d’un enfant au stade final d’enlision dans des sables mouvants. 2 rangs devant moi, un psychopathe ne veut pas mettre sa valise dans les filets, gardant son précieux sur les genoux. Oui, un oversized luggage de bien 40kg…Mais il est 7h du matin et c’en est trop pour moi. J’agis.



Alors je lâche un petit pet bien gras, dans l’espoir d’au moins faire rire les enfants qui se noient dans leurs crémeuses pâtisseries industrielles. Rien. Une vieille dame lève les yeux au ralenti de sa holy bible, et replonge aussitôt dans sa sainte lecture en hochant la tête en signe de désapprobation. J’hésite à remettre ça pour la poilade, mais il est réellement tôt, et toutes les parties de mon corps ne sont peut être pas encore au top de la forme. Se faire dessus à 10 000 mètres a un prix : celui de la honte et d’un pantalon.



Et là ami lecteur tu te demandes surement en quoi mes tribulations gastriques aériennes t’intéressent ? Je ne sais pas, c’est toi qui me lis, pas l’inverse. Tocard.



Je plaisante. Je ris. Comme un enfant, naïvement, avec à la bouche cette légèreté qui fait encore une fois se retourner mes voisins, avec dans leurs yeux les lueurs de la peur. Alors avant de terminer avec une camisole de force dans la soute, en pétant et en riant seul dans l’immensité d’un avion cargo, je prends ma game gear. Oui, en 2009 c’est une sorte d’exploit intéressant. Ma voisine a stoppé son pénible hululement à Dieu et zieute maintenant d’un œil torve sur la machine. Je ne dois pas la décevoir. Je fouille mon petit sac de jeux de voyages, et tombe sur GG Shinobi, que j’avais totalement oublié. J’ai 4 heures devant moi, 2 jeux de 6 piles, je suis armé plus rien ne me retient sur cette morne planète. Surtout en avion.



Allumage, échec. Glaire dans la cartouche, réinsertion, allumage. Cette fois est la bonne. L’écran titre on ne peut plus bidon m’arrache un bâillement, ma voisine qui ne voit rien sur le fier écran de la game gear retourne à ses ahanements. Quelques écrans d’introduction me présentent 5 ninjas, fiers, adroits, droits dans leurs chausses, aidant les vieilles dames de Tokyo à traverser, et raccompagnant en rigolant (tout en n’oubliant pas de dispenser un petit volet sur la salubrité) les joyeux buveurs de saké du samedi soir. Des chics types quoi. Mais en même temps très offensifs, avec chacun son arme de prédilection et son habileté.



Rouge est le mec cool. Ce n’est pas non plus le génie de la bande, mais c’est un bon gars. Armé de son sabre et de son saut classique, c’est le bidon, le mec standard. Il va le dimanche à la messe, mais un peu bougon, ne chante pas, se contentant d’une vie intérieure riche. Cela lui permet en utilisant son coup spécial de s’énerver un bon coup, et de tuer tous les ennemis d’un écran, et de détruire les blocs friables sur sa route.



Vient ensuite vert, qui n’a pas compris qu’être un ninja signifiait être réellement offensif. Entre deux entraînements qui lui permettent de faire un habile double saut, et de lancer des shurikens en mousse qui frappent certes à distance, mais surtout très faiblement comparé à ses potes de collants de couleur, il vend des limonades à la sorties des écoles. Il perd de l’argent lorsqu’on considère son business, mais il fait ça pour aider les gens. Des chics types je vous dis.



Et puis il y a bleu. Ah bleu, tout un poème celui là. Le samedi il n’est pas le dernier à participer au lever de coude, sûr que ses amis le ramèneront en cas de pépin, le fourbe. Dans le civil, il est vendeur de petits jouets amusants dans une boutique de rue, à deux pas d’Hakibara. Mais la nuit, il devient bleu, le ninja au grappin. Moyenne portée, puissance moyenne, c’est surtout un moyen de s’agripper dès que l’occasion se présente, permettant de franchir des distances importantes. Son coup spécial à lui, c’est qu’il vole. Il se met à tourbillonner comme un idiot, et l’espace de quelques précieuses secondes se met à voler.



Comme dans tout groupe de potes hommes en 2009, il y a rose. Ah pas dans vos groupes d’amis ? Amusant. Tout est-il que rose est le psychopathe de la bande. Fort d’une sexualité un peu tangente, il compense par un goût aigu pour la pyromane. En lâcheur de bombes fou, il crame tout ce qui bouge. Le soir venu, il enlève son lycra rose, et est barman dans un pub un peu lounge tendance moche.



La fine équipe ne serait pas complète sans jaune le fou, comme ses potes l’appellent en rigolant. A force d’entrainements un peu spéciaux, à base de pompes, d’étirements, de cire de bougie au bout du gland et autres clous dans les parties, jaune arrive à faire des boules de feu, de puissance plus ou moins forte selon la durée de pression sur le bouton d’action. Cela ne lui sert à rien dans sa vie de professeur des écoles, mais est bien utile dans son hobby de sauveur de la nuit.



Enfin sauveur, il faut vite le dire. Au détour d’une soirée un peu arrosée, la fine équipe s’est faite enlevée. Toute ? Non ! Il subsiste rouge, notre héros, qui par un heureux hasard était parti draguer une coquine à cet instant là, histoire qui ne s’est même pas terminée dans le stupre, mais c’est sans rapport. Il reste donc rouge, qui va devoir aller sauver ses potes, enfermés aux quatre coins du pays. Et croyez-moi, avec une guerre civile de lendemain de beuverie dans le crâne, rien n’est moins évident. Comme rouge est un peu dans le gaz, les développeurs ont été cools, et lui on permit de pouvoir choisir où commencer sa quête.



Pour cela on va traverser 4 mondes, avec à chaque fois un ami imbibé au bout, plus un monde final, parce que mince, on ne bafoue pas une si brillante équipe sans prendre un petit peu cher quand même. On est encore un peu patraque, la vallée verdoyante et l’eau nous feront le plus grand bien. On sélectionne le niveau, et c’est parti.



Une plateforme, l’occasion de découvrir le maniement de rouge. Même à trois grammes, il réagit au doigt et a l’œil. C’est fluidissime, et très agréable. Et heureusement, car première action de la journée : le saut de tronc en troncs. Avec un pivert comme cela, il doit bien les aimer ses potes bigarrés, je ne vois que ça. Hop, un tronc, hop, un second, « super c’est simple, ah ah je m’aime ! » hurle t’il comme un défi à dame nature « je te nique connasse ! » ajoute t’il sur un ton de fanfaronnade. Mais il n’a pas le temps de terminer sa phrase qu’un ninja sort de l’eau, et le touche. Il recule de quelques pixels de douleur. C’est trop pour rouge, qui tombe dans l’eau, et meurt instantanément. 4 secondes après son départ, l’aventure se conclue déjà.



Mais il est persévérant rouge, il retente la traversée. Accroupit sur son rondin, il attend le ninja de pied ferme. Un coup de sabre plus loin, l’ennemi flotte mollement, mort. Rouge se relève, hurle encore une fois une vulgarité déplacée en signe de victoire. Mais ne termine pas non plus sa phrase. Un tourbillon l’a happé, et il disparait avec sa buche dans les tréfonds de la rivière. Fin de l’aventure bis, 7 secondes après son nouveau départ.



Entre deux bûches, on stigmatise rapidement le fait que ce jeu est plus qu’un jeu de plateformes, tant la ressemblance avec le côté sériel des pièges d’un Rick Dangerous est présent. Il faudra apprendre différentes paternes par cœur, sous peine de ne pas dépasser le premier niveau. Il y a réellement un ennemi embusqué tous les 3 mètres, et rares sont les moments de pause pour nos acolytes, leur empêchant de simplement se demander si leur vie a un sens, et si leurs amis valent vraiment toute cette peine. Non, les maîtres mots sont action / frénésie / sauts dans tous les sens.



Réellement dans tous les sens. Les niveaux sont tellement bien fait que l’on ne s’arrête pas, dans un ballet millimétré de sauts / zigouillages / recherche de bonus. C’est une sensation assez géniale que celle d’évoluer avec tant de fluidité. Les différents environnements participent aussi à cette joie, tant ils sont sympathiques et variés. C’est simplement ce que la console a de mieux à offrir en termes de couleurs et d’animations. Chaque tableau a un thème, bien à lui, et notre rétine ne s’ennuie pas une minute. La musique ponctue le tout d’un dynamisme top, toujours de bon ton, jamais lassante.



On avale alors les 4 niveaux standards avec délectation. Si la game gear a franchement vieilli, l’action de nos amis déguisés est toujours jouissive. Rouge et ses collègues mourront vraisemblablement un très grand nombre de fois, car le jeu est perclus de pièges putrides, mais on en redemande. Les premières fois seront assez tendus, car il est fort vraisemblable que les nombreuses vies et l’aide des coups spéciaux ne vous servent qu’à peine pour aller au bout de l’aventure, mais vous y reviendrez, pour arriver gavé à bloc de bonus au 5ème et dernier niveau.



Et là les choses vont changer. L’environnement devient un peu moins sexy, avec des fonds de couleur assez laids, mais une action beaucoup plus complexe. Vous êtes à ce dernier niveau enfin tous réunis, et chacun va être mis à contribution. Les salles deviennent purement techniques, et pour sortir du relativement complexe labyrinthe, il faudra être armé de patience et d’un maximum de coups spéciaux. Car il ne s’agira plus de zigouiller des méchants, mais simplement d’arriver entier au bout de la salle. C’est facile à écrire, mais on s’arrache les cheveux quand on y est, avec des puzzles auxquels les précédents niveaux ne nous avaient pas habitués. On se retrouve ainsi à se jeter dans le vide avec un fond de piques mortelles, et au milieu de notre chute très courte devoir invoquer bleu et son coup spécial de vol pour avancer quelques précieux pixels et arriver sur la terre ferme. Ou encore à devoir utiliser 4 fois de suite la furie de rouge pour libérer un python rocheux sur lequel siège un type hors de portée invincible. Croyez-moi, lorsque l’on est un peu short en bonus ça donne des frissons.



Surtout qu’en bon labyrinthe, il y a plusieurs trajets possibles, dont certains uniquement faits pour vous faire perdre des bonus, niaisement. Autant le dire tout de suite, arriver au bout de ce niveau est pour moi une marque de réussite sociale. Une fois fait, vous pouvez aller frimer en boite ou à la sortie des écoles suivant votre appétit. Mais quel accomplissement ! Jouir simplement de la fin d’un jeu de plus de 20 ans, les doigts tout cloqués d’ampoules, les aisselles dégoulinantes et le front encore plissé d’émotion ? Moi je trouve ca formidable. En une grosse heure, on libère nos amis en collant, et le monde libre dans la même foulée, c’est tout de même merveilleux non ?



GG Shinobi a donc tout d’un des très grands jeux de la Game Gear, que tout collectionneur de la console portable de Sega (oui, les 2 là) se doivent de posséder. Beau, vif, bien fait, doté d’un niveau de chalenge assez soutenu, il ne manquera de ravir les fans de plateformes d’un autre âge, comme on en fait malheureusement plus beaucoup. Et lorsque vos héros seront libérés, avec une poche de glaçons sur le crâne, ne manquez pas de pousser un hurlement bestial. Ma voisine chanteuse me signifie que c’en est trop et que cela la met mal à l’aise, alors que les enfants noyés dans la crème se sont arrêtés de manger, fasciner par le pantomime évanescent de ma victoire. Au moins au Japon ils savent rire…





Bonus :

Parce qu’une joie ne vient jamais seul, le trivia du jeu que personne n’avait encore remis en perspective. Heureusement NES Pas est là pour éclairer le monde de sa lanterne :


Josef Fritzl n’a rien inventé !


Voila.
Le point de vue de César Ramos :
Relativement courant, à trois fois rien.